Le repaire créatif de Lia Rochas


Installée depuis deux ans avec Liv, 6 ans, dans cet espace de vie et de travail, Lia confie ne pas arriver à dissocier les deux.« J’ai grandi comme ça. J’ai toujours lié la création au quotidien. Mon père était artiste plasticien et ma mère, danseuse contemporaine. Je perpétue cette tradition avec ma fille. Ici, c’était l’atelier parisien de mon père. Je l’ai récupéré et aménagé après son décès, pour pouvoir y dormir au sous-sol. Ma mère Claudia vit au-dessus et nous formons avec Liv un trio inséparable, uni par une formidable complicité. » Dans cet écrin lumineux doté d’un merveilleux petit jardin, Lia travaille à ses nombreux projets : les collages, les romans-photos, le projet Shelves, et sa toute nouvelle maison d’édition, Parties Prises.

« La naissance de Liv a complétement changé ma notion du temps. J’ai appris à l’optimiser pendant ses siestes, je m’éparpille moins. Je ne m’autorise cet éparpillement qu’avec elle. » Tôt le matin, à même le sol, la jeune artiste se lance dans les grands formats de ses collages, étalant morceaux de cuir, de tissu ou de fourrure, et se mettant en quête d’un équilibre entre les formes associées, selon des codes très personnels issus de son imaginaire. Des collages aujourd’hui très prisés, vendus à la galerie La Marchande des 4 saisons à Arles.
« Avant la naissance de Liv, mes collages étaient orientés vers une affirmation du corps, de la féminité. Puis, j’ai fait une pause pendant ma grossesse. Je voulais vivre pleinement ce qui m’arrivait. Depuis, je suis davantage dans une quête d’harmonie. Mes collages sont plus épurés. Je me suis toujours intéressée autant au processus créatif qu’à la création finale. Qu’est ce qui pousse mes contemporains à créer ? De ce questionnement est né, il y a quatre ans, dans le petit appartement que nous habitions alors avec Liv, mon projet curatorial Shelves. J’invite régulièrement des artistes à exposer leurs objets sur mon étagère. C’est bien simple, elle mesure 2 mètres, la largeur de notre ancien salon ! Chaussures, vases, cactus, l’espace défini de l’étagère donne à ne pas voir ces objets comme décoratifs mais comme des œuvres. Tout cela m’inspire… Matthieu Cossé est le prochain artiste convié. Il a d’ailleurs réalisé des portraits de maman et moi au dessin. » Ainsi, se sont succédé chez Liv le duo Playground, Judith Prigent, ou Stéphane Ruchaud. Les visites de ces micro-expositions se font sur rendez- vous et en petit comité, avec toujours cette même idée de créer des liens, d’assembler, et de proposer un autre angle de vue. Tout comme Shelves, les romans-photos de Lia font partie de son processus créatif.

À même le sol, la jeune artiste se lance dans les grands formats de ses collages, étalant morceaux de cuir, de tissu ou de fourrure, et se mettant en quête d’un équilibre entre les formes associées, selon des codes très personnels issus de son imaginaire. L’idée d’y insérer des bulles lui est venue dès les premiers, en 2010-2011. Ils relataient des anecdotes de la vie parisienne. Publiés sur Internet, puis sous forme de livres à la galerie Yvon Lambert, ils sont nés du souhait de Lia de témoigner de cette époque, afin de la transmettre à ses enfants. Elle a depuis étendu sa démarche à des rencontres avec des artistes : des conversations spontanées, sans règles, voulues comme un simple moment d’échange avec eux. Pas de questions préparées à l’avance. « Je ne suis pas journaliste ! » commente Lia, qui nourrit son inspiration de ces rencontres. Digérer ces moments lui permet d’avancer dans sa propre créativité, « parce que, finalement, la pratique créative est assez solitaire, et ces échanges sont très enrichissants », ajoute-t-elle.

Le dernier projet de Lia est la création de sa maison d’édition, Parties Prises, à laquelle elle entend toujours imprimer cette idée de composition. Des romans-photos édités sous forme de revues, faits de rencontres différentes selon le jour ou la nuit. Le jour, autour d’un café, la nuit, autour d’un verre. Comme à chaque fois, la totalité de la conversation sera retranscrite, mais retravaillée à partir de phrases que Lia aura choisies afin d’en préserver l’essence. « Nous sommes une petite équipe et la directrice artistique avec laquelle je travaille intègre les mots avec talent à l’aide de petites bulles. Je sors ainsi du schéma désuet du roman-photo traditionnel. »

Chez Lia, beaucoup de livres sont exposés ça et là, en piles : ouvrages d’art, poèmes, essais, tous ce qui peut « amener à la réflexion ». Liv, une petite fille vive et espiègle, partage cette passion littéraire avec sa maman : « Les Fleurs du Mal de Baudelaire est son livre préféré ! » Pour compléter ce décor propice à la créativité, des plantes vertes sont omniprésentes « pour régénérer l’espace », et des bouquets de fleurs pour l’égayer : « Ils nous font beaucoup de bien ; sans eux, la maison ne vit pas ! » Chaque jour, Liv dessine très librement, Lia souhaitant « ne pas la formater ». Maman-artiste, elle lui communique sa manière de vivre, elle qui exerce un métier-passion, et considère que « quel que soit le métier qu’on choisit, on doit le faire avec enthousiasme ». Lia poursuit : « quand je ne dessine pas, Liv peut utiliser mes crayons mais pas mes pastels… Parfois, nous créons ensemble, ce sont des moments privilégiés. Mais il faut faire attention à ne pas jouer avec l’ego de l’enfant. Dessiner, chanter, cela fait partie de l’enfance, il ne faut pas entrer dans le bal des illusions, ce qui est pour moi un jeu d’équilibriste. J’ai moi-même grandi avec des parents artistes et, avec le recul, je m’aperçois que j’ai eu beaucoup de chance. » Une chance dont Liv se saisit à son tour au contact de Lia.


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