Rencontre avec l’artiste plasticienne Elvira Voynarovska
L'artiste franco-ukrainienne Elvira Voynarovska nous invite à découvrir son atelier et appartement à Orléans. Rencontre.
Quel est votre parcours ?
En 2019, j’ai obtenu mon diplôme en tant que designer à l’École Supérieure d’Art et de Design d’Orléans (ESAD). Par la suite, je me suis progressivement tournée vers la création artistique.
D’où vient votre goût pour la création ?
Je ne suis pas issue d’une famille d’artistes. Cependant, je crois que mon goût pour la technicité des matériaux – tout ce qui relève des métiers d’art – provient de ma grand-mère qui était couturière. J’ai toujours eu une multitude de tissus chez moi, et c’est elle qui m’a enseigné la couture ainsi que d’autres techniques de tissage.
Qu’est-ce que la création pour vous ?
Selon moi, la création est une manière de traduire ma vision du monde, ainsi que mes aspirations futures. C’est une manière de donner forme à toutes les informations que je perçois à travers mes sens et que je traduis ensuite de manière poétique et synthétique.
Quel est votre processus de création ?
En tant que designer, j’ai un processus très méthodique qui guide ma pratique depuis toujours. Pour moi, c’est aussi une façon d’absorber un maximum d’informations sur un sujet donné, de faire un bilan, puis de repartir en explorant de nombreuses déclinaisons, que ce soit à travers des tests visuels ou structurels. À partir de cette multitude d’options, je crée ensuite plusieurs pièces, que ce soit en deux dimensions ou en trois dimensions.
Sur quoi planchez-vous en ce moment ?
Actuellement, je continue un projet qui s’appelle Hata, qui est né au Sénégal lors de ma résidence d’artiste avec l’Institut Français de St-Louis. Ce projet interroge la notion de fragilité au sein d’une maison et remet en question l’idée d’une habitation temporaire, à la fois légère et transportable. Il puise son inspiration des architectures traditionnelles du nord du Sénégal, nomades et construites exclusivement à partir de végétaux par le peuple peul. C’était beau et poétique de pouvoir renverser notre conception occidentale de la maison et de l’architecture, perçues comme des structures durables et stables. J’ai principalement travaillé sous forme de dessins et de peintures, en réalisant également quelques sculptures que j’ai laissées sur place. Tous les dessins ont été ramenés en France pour y être exposés. Au départ, c’était assez difficile de travailler sur des sculptures qu’on laisse sur place. Mais finalement, cela s’inscrit parfaitement dans l’approche de ce projet qui interroge aussi bien la fragilité que la temporalité. De plus, recycler les matériaux végétaux et locaux, une fois l’exposition terminée, correspondait parfaitement au sujet que je questionnais.
Quelles sont vos sources d’inspirations ?
Je n’ai pas forcément un sujet ou une thématique sur laquelle je travaille, je suis plutôt inspiré par des artistes qui ne se limitent pas à un seul médium ou à une seule technique, mais qui adoptent une approche globale du projet. J’apprécie particulièrement les personnes qui ne se focalisent pas uniquement sur la production artistique, mais qui trouvent leur inspiration dans d’autres domaines, tels que les sciences, la biologie ou même l’anthropologie. Toutes ces recherches multidisciplinaires sont des aspects que j’intègre dans mon travail. Je puise beaucoup d’inspiration dans les architectures vernaculaires, dans les constructions qui sont spécifiques à certaines régions, et dans un sens plus large, dans le domaine de l’architecture. Ce qui m’intéresse, c’est notamment l’imbrication des formes que l’on peut observer dans certains types de constructions, qui peuvent également être créées par d’autres espèces que la nôtre. La structure des plantes m’intéresse ainsi que la manière dont nous pouvons travailler avec ces matériaux qui peuvent sembler fragiles, mais qui, grâce à nos agencements, peuvent acquérir une certaine rigidité. Je travaille souvent sous forme de résidences artistiques, ce qui me permet de m’inspirer directement des sujets que j’explore sur place. Ces sujets peuvent être liés à certains types de matériaux ou à certaines formes que j’observe. Ainsi, j’ai vraiment le temps de questionner ces éléments et de travailler in situ. C’est principalement lors de mes voyages en résidence que certains sujets attirent mon attention et m’inspirent.
Pouvez-vous revenir sur votre sélection pour la Craft Gallery ?
C’est la première fois que je travaille sous forme de reproduction, c’est très intéressant puisque la série d’esquisses s’y prête. Ce projet a été réalisé à Cadaqués entre 2020 et 2021, lors d’une résidence d’artiste. L’un des aspects clés de ce projet est l’interrogation de l’habitat et de la céramique locale de Cadaqués, qui a joué un rôle prépondérant dans la fabrication d’objets utilitaires ainsi que dans la construction des habitations du village. Au fil du temps et avec l’introduction de nouveaux matériaux dans la région, de nombreuses céramiques ont été abandonnées. Ainsi, j’ai découvert des plages et des baies recouvertes de ces faïences polies par la mer, que j’ai réutilisé dans plusieurs sculptures. À partir de cette production de volumes, une série de dessins au pastel à l’huile a été créée, dont plusieurs ont été reproduits pour la Craft Gallery.
Par Emma Olivier / Photos : Karel Balas